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Soulouque

Président de la République, parlementaires, tout le monde, personne n’est épargné

LE DISCOURS DE LA MAIRESSE D’ARCHAÏE POUR LA CÉLÉBRATION DE LA FÊTE DU DRAPEAU par Léo Joseph

  • Président de la République, parlementaires, tout le monde, personne n’est épargné

Jamais, auparavant, les plus hauts fonctionnaires de l’État, regroupés sous le même toit, n’avaient essuyé une volée aussi humiliante que les propos à eux adressés directement par la mairesse d’Arcahaïe, berceau du Bicolore haïtien. Président de la République, sénateurs et députés, autorités judiciaires, ministres, membres de la société civile, etc., il y en avait pour tout le monde. Mais c’est surtout le président Jovenel Moïse qui a dû se sentir individuellement concerné.

En, effet, après les salutations d’urgence adressées au président de la République et à la première dame, au Premier ministre, les parlementaires, ministres et autres autorités présentes, les dirigeants locaux, les Archelois, en particulier, et le public en général, Mme Sainvil-Petit-Frère commence ainsi son discours : «Notre drapeau crie au secours ! ! ! Notre drapeau est en péril. Après ce que nous avons vécu durant ces derniers mois, ces derniers jours, ces dernières heures, le Drapeau est en péril. Le Drapeau est en péril quand la nation va mal, notre Drapeau trépasse lorsque les filles et les fils de la nation se mitraillent et se donnent en spectacle au sommet même de l’État, aux yeux de tout le monde !!!

« Notre Drapeau implore notre pitié. [Oui] Notre Drapeau implore notre pitié, quand il est souillé, foulé aux pieds de la corruption. Ce Drapeau qui, jadis, était le symbole d’une nation fière et libre, digne et honorable, laborieuse et courageuse !

«Chères concitoyennes, chers concitoyens, le Drapeau est plus qu’un symbole. Le Drapeau c’est une déclaration. Le Drapeau est plus qu’une déclaration. Le Dra peau est la religion d’une nation. Le Drapeau est plus qu’une religion. Le Drapeau est l’essence même de la NATION.

«Chers concitoyennes, chers concitoyens, chak fwa drapo en sekirie a monte disèt wotè, drapo devlopman an desann byen ba. Chak fwa drapo movèz gouvènans lan monte disèt wotè, nan Palè nasyonal ak nan Primati, dra po dezespwa, drapo rèv jèn yo chire an miyèt moso. Chak fwa drapo enjistis monte disèt wotè, enpinite, koripsyon, kontrebann koule chanpay».

À vous, m le Président !

Tout cela dit, le numéro un du cartel municipal de l’Arcahaïe a comme changé de vitesse. Tournant son regard vers le chef de l’État, elle lui parlait, directement, en ces termes :

«Monsieur le Président, vous êtes comptable de la joie et de la peine, de l’espoir et du désespoir, de la confiance et de la méfiance du peuple haïtien. Vous avez, envers ce vaillant peuple, une obligation de résultat et non de moyens; une obligation de changement, pas de promesse de changement; une obligation de vérité et pas de contre-vérité.

«Vous avez la haute responsabilité de dire la vérité à la nation haïtienne. Le peuple a besoin d’espoir et non des promesses ! Le peuple a le droit de vivre en sécurité ! Tel est le cri de tous les Haïtiens. Les Haïtiens vivent au quotidien, dans leur chair et dans leur sang, le coût en vies humaines de cette insécurité galopante qui emporte tout sur son passage. Tel est aussi le cri des Haïtiens de l’extérieur, eux qui souhaitent revenir passer des vacances, faire des retrouvailles en famille, eux qui ne font qu’espérer des lendemains meilleurs.

«Tant que le souverain peuple se plaint, tant qu’il craint l’avenir, qui lui paraît de moins en moins prometteur, de plus en plus ravageur, le Drapeau est souillé et profané. Et vous n’avez rien compris du bicolore».

À votre tour, messieurs les parlementaires !

Quelle meilleure tribune que sa propre ville natale pour flageller ces dirigeants irresponsables qui se moquent souverainement de la nation ? Et quelle meilleure occasion que celle commémorative du Drapeau où ils se rassemblent tous, en même temps, pour encaisser l’humiliante leçon d’un leader de troisième, quatrième ou même cinquième catégorie. En tout cas, Rosemila Sainvil Petit-Frère ne s’est pas laissé intimider ni inhiber par les hautes personnalités du régime Tèt Kale présentes. Trêve de commentaires ! Mme la Mairesse continue son discours, cette partie adressée aux sénateurs et députés :

Mesdames, messieurs les parlementaires, avez-vous oublié vos promesses de campagne ? Moi, parlementaire, je voterais des lois au profit du plus grand nombre. Moi, parlementaire, je contrôlerais les actions du gouvernement. Moi, parlementaire, je ne nommerais pas des ministres au sein du gouvernement. Moi, parlementaire, je ne protégerais pas de présumés criminels. Moi, parlementaire, je participerais aux séances pour lesquelles je suis payée. Moi, parlementaire, je n’organiserais pas de séances que pour sanctionner des ministres. Tant que vous ne servez pas la République avec dignité, avec fougue, avec diligence, avec amour, avec passion, vous n’avez donc rien compris.

«Et le Drapeau est souillé, le Drapeau est profané.

Le peuple vous suit, le peuple a compris, le peuple a noté. La jeunesse vous suit, la jeunesse a compris, la jeunesse a noté. Le onzième département vous suit, le onzième département a compris, le onzième département a noté».

À tous en général

Dans son discours à plusieurs volets, qui s’adresse à différentes catégories politiques et sociales, Mme Sainvil-Petit-Frère affiche une allure plus conciliante que sentencieuse, elle est en mode de dialogue avec messieurs et mesdames tout le monde. Aussi continue-t-elle, en langue vernaculaire :

«Mesdames, messieurs ! Van divizyon an kraze enstitisyon nou yo. Van divizyon an kofre pwogrè sosyal, ekonomik peyi a. Van divizyon an leve wòb gouvènman an, wòb Palman an, wòb opozisyon an, wòb sektè prive a, ata wòb Laprès.

«Se nan chita, se nan pale, se nan sakrifis pou peyi n, se lanmou pou Ayiti k ap ede n rezoud pwoblèm sosyal yo. Van divizyon bay goud la kout men nan monte 90 goud pou youn dola. Ens tabilite ak enpinite se degouden ak senkant kòb. Ensekirite ak devlòpman se chyen ak chat.

«Gran paran nou yo te konprann van divizyon bay tout kalite maladi. Li bay kansè, li bay kolera. Sa k pi mal la, li bay soudevlopman. Yo te chita. Yo te reyini nan lakou Akayè pou met tèt an sanm pou vanse sou chimen pwogrè. Kòm majistra komin nan, m deside bay gouvènman an kle vil la pou kòmanse vrè dyalòg nasyonal la nan komin nan.

«Mounn Akayè, pa gen mounn sou latè, kèlke swa kote l ye, ki pi atache ak vil yo pase w. Ou ta renmen l bèl. Ou ta renmen l toujou pwòp. Ou ta renmen l gen bon jan enfrankstrikti pou bon jan devlopman. E w sansib pou imaj ou. Ou se site drapo. Se pa ti jalou ou jalou pou drapo sa a. Men sa pa anpeche w mande otorite Leta santral yo : Pouki wout St ard la pa fini ? Pouki yo pa konstwi youn sant pwofesyonèl pou jèn yo, yo menm ki se pitit pitit Katrin Flon. « Pouki jis jounen jodi a pitit Akayè ap mouri paske yo pa gen LOPITAL ? Pouki sa se konsa yo trete moniman Katrin Flon an, li menm ki te koud bèl drapo sa a ? Pouki se Akayè ? »

Rosemila Sainvil-PetitFrère en avait encore pour les voleurs et leur protecteur

La mairesse d’Arcahaïe en avait encore pour ceux qui ont abandonné la Cité du drapeau à son sort et laissé nos villes dans le dénuement. À ceux-là s’adresse cette partie de son discours :

«Messieurs, mesdames. Je vous le dis sincèrement, on ne traite pas ainsi une ville historique, une ville symbolique. Tant que la ville est humiliée, maltraitée, vous n’avez rien compris de la célébration du bicolore haïtien.

«Mesdames, messieurs ! La voix du peuple [c’est] la voix de Dieu ! Ce que le peuple veut, Dieu le veut. Le peuple réclame le procès PetroCaribe ! Et il devra se tenir, le procès PetroCaribe. Et ce sera justice ! ! ! Ou la justice sera, ou elle ne sera pas. Que la justice soit faite ! Au nom du people et du progrès et de la sainte reddition des comptes».

«Chers concitoyens, chères concitoyennes ! Le miracle haïtien est possible. Le rêve haïtien est possible. Ce rêve est codifié dans notre bicolore. Ce miracle découlera de notre bicolore. Notre Dra peau est le plus beau, le plus fier, le plus inspirant, le plus libérateur. Nos élites politiques, économiques, administratives, médiatiques, intellectuelles, artistiques doivent cesser de le piétiner, de cracher, de souiller, de profaner ce beau drapeau. Tant qu’ils n’assument pas la mission qui est la leur, ces élites n’auront rien compris de la Fête du Drapeau».

Mme Sainvil-Petit-Frère termine son discours en s’adressant ainsi à la Police nationale : «Je voudrais publiquement remercier la Police nationale d’Haïti pour son support à la population archeloise. Vous nous avez protégés. Vous nous avez servis. Chapo, mesye. Mounn Akayè renmen n. Quand la politique veut, la Police PEUT ! »

Le discours de Jovenel Moïse distribué en catimini

Pour la première fois, dans l’histoire récente d’Haïti, le discours commémoratif de la Fête du Drapeau du chef de l’État n’a pas reçu sa couverture de presse traditionnelle. Cela contraste avec celui de la mairesse d’Arcahaïe, Rosemila Sainvil-Petit-Frère dont font écho les radios tandis qu’il fait l’objet d’une large distribution en vidéo sur les réseaux sociaux.

En effet, dès le lendemain de la célébration de la Fête du Drapeau, le discours du président peut être lu dans tous les médias écrits, tant en Haïti qu’en diaspora, et largement diffusé sur les radios. Tel n’a pas été le cas, cette année. Il semble que Jovenel Moïse et son équipe aient décidé d’éviter que les détracteurs du président n’utilisent le document à des fins politiques. Surtout que celui de la mairesse d’Arcahaïe fait pâlir le sien.

D’ailleurs, fait-on remarquer, dans les milieux politiques, à Port-au-Prince, Jovenel Moïse n’a pas grand-chose à dire. Sinon à lâcher, quand fut venu son tour de prendre la parole, après avoir entendu le discours de Rosemila Saintil Petit-Frère, que celle-ci appartient à un parti politique rival. Comme pour dire que les dénonciations faites par la mairesse s’inspirent de l’opposition qu’elle lui voue. Les rares personnes qui auraient pu visionner la vidéo du président Moïse faisant son discours à l’Arcahaïe ont souligné le fait qu’il s’en prend à ceux qui « ont le monopole» des privilèges.

Pour ces raisons, on affirme que le Palais national aurait passé des instructions pour que le discours du président ne soit pas distribué aux organes de presse, comme à l’ordinaire. N’est-ce pas le cas de dire que le discours de Jovenel Moïse est distribué en catimini ?


cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur No. 21, édition du 22 mai 2019 et se trouve en P. 1, 2 à : http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2019/05/H-O-22-mai-2019.pdf

 

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