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Soulouque

Le Président JoJo sous le Microscope de La Fontaine (Troisième partie)

Le Président JoJo sous le Microscope de La Fontaine (Troisième partie) par Eddy Cavé

Dans l’atmosphère tragicomique, des délibérations des Animaux malades de la peste, Jojo écartait du revers de la main les moindres suggestions venant du camp des modérés. Seuls les va-t-en-guerre regroupés derrière Dirèk Rudy, Ti Prezidan Renal et Zefi avaient la cote d’amour dans la cellule de crise du Palais. En effet, Jojo était, comme eux, convaincu que les mourants n’auraient jamais l’audace ni l’énergie nécessaire pour se rebeller. Et encore moins les alliés nécessaires pour gagner la lutte. Aussi pensait-il continuer à les amadouer avec des confessions pathétiques et quelques promesses mirobolantes du genre Elektrisite 24 sou 24.

Les animaux malades de la peste

Mais voici que soudain on apprend qu’un charlatan et amateur d’aphrodisiaques a composé une potion miraculeuse qui revitalise les plus amorphes. Vrai ou faux, le bruit court que cette trouvaille fait tant de merveilles que des milliers de mécontents, réunis sous l’appellation de PetroChallengers, préparent un soulèvement qui a toutes les chances de réussir. La perspective de la levée de boucliers promise pour la date anniversaire du 7 février, que personne ne prenait plus au sérieux dans l’entourage de Monsieur Point Barre, provoque une redoutable onde de choc. Le slogan lancé l’été dernier par le cinéaste Gilbert Mirambeau Kot Kòb PetroKaribe a ?, est de nouveau sur toutes les lèvres. D’où la cessation d’audience au cours de laquelle l’ami Jojo, métamorphosé en chat, avait gobé des dizaines de souris. Comme dans l’envoutante meringue Batèm Rat !

Le pot de terre et le pot de fer

Le festin aux-souris terminé, c’est un Jojo repu, confiant et de nouveau aguerri qui retourne à l’assemblée des mourants réunis en conclave. Tandis que le tonnerre gronde sur Port-au-Prince, que des barricades se dressent partout et que le pays se transforme en un vaste champ de bataille, un des courtisans lui chuchote à l’oreille que le véritable ennemi n’est pas dans la rue, mais dans son propre sein : son PM Jean-Qui-Rit ! : « Si ce n’est que cela, rétorque Jojo, en caressant fiévreusement son crâne PHTK, la partie est déjà gag- née. Je vais en faire une bouchée. Fè m konfyans ! Vous connaissez la fable du Pot de fer et du Pot de terre ? … Non ? »

Fasciné par cette idée géniale, Jojo se met à lire les premiers vers de la fable pour le bataillon de conseillers suspendus à ses lèvres :

Le Pot de fer proposa au pot de terre un voyage. Celui-ci s’en excusa, disant qu’il ne serait que sage de garder le coin du feu, car il lui fallait si peu.

La comparaison était on ne peut plus claire entre ce notaire, même riche et célèbre, récemment admis dans le cercle retreint du pouvoir, et le tout puissant locataire du Palais national.

Devant les réticences de Pot de terre à s’engager dans cette aventure, Pot de fer précise : Je vous mettrai à couvert… Si quelque matière dure Vous menace d’aventure. Entre-deux je passerai, et du coup vous sauverai… »

Superbe, s’écrie Richard à la bague dorée ! « Ainsi dit le renard, et flatteur d’applaudir ». On connaît la suite de la fable : Le Pot de terre… n’eut pas fait cent pas.

Que par son compagnon il fut mis en éclats.

Sans qu’il eût lieu de se plaindre. Or le terrain, toutefois, les choses allaient être moins faciles pour les stratèges du Palais. Pot de terre se révélera un partenaire beaucoup moins fragile que le pensaient Jojo et son entourage en se basant sur ses problèmes de tension artérielle. À l’heure où nous écrivons ces lignes, l’issue de la lutte féroce que les deux partenaires se livrent à visière levée est encore très incertaine. Et, selon toutes les apparences, Pot de terre a encore diverses cartes dans ses manches. Les appels réitérés à sa démission, les menaces du Palais et autres tentatives d’intimidation sont restées lettre morte. Pendant qu’il avale des couleuvres, il fragilise une présidence qui a fait la preuve de son incompétence et en qui per- sonne ne croit plus.

Retour aux animaux malades de la peste

Ragaillardis par la magie du slogan Kot kòb PetroKaribe a ?, les mourants ont retrouvé de nouvelles raisons de gagner les rues pour revendiquer leurs droits à la vie, à l’éducation, à la santé. Finis les palabres, les confessions pathétiques et les crocs-en-jambe. À la poubelle le scénario d’une tragicomédie qui se terminerait par l’absolution des péchés des grands et le sacrifice d’un bouc émissaire. Depuis une semaine, le pays est paralysé et se retrouve au bord de l’insurrection. Les violations des consulats d’Italie et du Pérou, les défilés de bandits notoires lourdement armés, les départs massifs de grosses légumes accompagnées de leurs familles, les discours et messages de plus en plus violents que répercutent les stations de radio sont les meilleurs indices des dangers qui guettent ce régime fissuré de toutes parts.

Gilets jaunes arborant le slogan de l’heure

Ainsi, la crise fait rage depuis une semaine : scènes continuelles de violence ponctuées de rafales d’armes automatiques; interventions musclées des forces de l’ordre; incendies de voitures; pillage de maisons de commerce. Bref, paralysie non seulement de la capitale, mais de la plus grande partie du pays. Manifestement, le gouvernement a perdu le monopole du contrôle de la violence légitime et ne survit qu’à la faveur de la division des forces de l’opposition. La plus récente occasion perdue a été le discours belliqueux prononcé par Jojo le jeudi 14 février, et qui pourrait passer à la postérité comme son chant du cygne. Une catastrophe ! Le temps semble venu pour le célébrant de l’office des mourants de dire aux fidèles agenouillés à ses pieds : « Allez, la messe est dite ! »

En guise D’ÉPILOGUE, le chat, la belette et le petit lapin. En dépit de certaines rumeurs d’appui inconditionnel qui lui viennent de l’étranger, Jojo semble, lui aussi, de moins en moins sûr de ses chances de succès. En feuilletant le livre complet des Fables, qu’il s’apprête à fermer, il jette un dernier coup d’œil sur un titre qui l’accroche : le chat, la belette et le petit lapin. Il y trouve les divers éléments de sa propre aventure et fond en larmes à la pensée que ce hasard pourrait bien avoir valeur de prémonition. C’est l’histoire d’une belette qui s’empare du refuge d’un jeune lapin et engage avec lui un interminable débat sur la propriété des lieux. De guerre lasse, les deux parties s’en remettent à la sagesse d’un arbitre, le juge Raminagrobis,

« Un saint homme de chat, Bien fourré, gros et gras Arbitre expert sur tous les cas ».

Prétextant une surdité due à son âge, le rusé matois leur demande de s’approcher le plus possible de lui pour lui permettre de mieux entendre. Pendant que les plaideurs s’exécutent, Raminagrobis se jette sur eux et les avale sans pitié.

« Bien compté, mal calculé » dit un vieux dicton haïtien. C’est aussi le titre d’un des vieux succès du roi Coupé Cloué qui pourrait bien retrouver sa place au palmarès d’Haïti si le roi Jojo perdait son trône. S’il prenait une décision irréfléchie en écoutant ses courtisans, en multipliant ses faux-pas et en se faisant gober par un nouveau Raminagrobis. Dans l’intervalle, la promenade de Pot-de-fer et de Pot-de-terre se poursuit, comme dans Le Coche et la Mouche,

« Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé et de tous les côtés au soleil exposé… »

eddycave@hotmail.com Ottawa, le vendredi 15 février 2019


cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur, édition, du 27 février 2019 et se trouve en P. 1, 12 à : http://haiti-observateur.info/wp-content/uploads/2019/02/H-O-27-fev-2019.pdf

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