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Jovenel Moïse démissionne pour diriger une transition de 3 ans

L’HOMME D’AFFAIRES RÉGINALD BOULOS CONSEILLE

  • Jovenel Moïse démissionne pour diriger une transition de 3 ans

L’homme d’affaires Réginald Boulos, qui  a une  réputation de «faiseur de rois », considéré aussi comme un des architectes du système politique Tèt Kale, croit avoir trouvé la formule idéale pour sortir Jovenel Moïse de la crise dans laquelle il s’est enfoncé. Tout en exhortant la nation à éviter de refaire l’expérience Martelly, qui a pillé la caisse publique, de prendre ses distances par rapport à Lavalas, qui fait de la violence son apanage, il prévoit l’échec de l’actuel chef d’État, s’il ne se résigne à écourter son quinquennat et à se rendre disponible pour présider une transition de trois ans. Cela signifie, d’après lui, renoncer à ces deux tendances, qu’il juge désastreuses et d’adopter ce qu’il qualifie de «troisième voie » capable, selon lui, d’apporter le salut à la nation.

C’est, en effet, dans le cadre d’une interview accordée, jeudi dernier (17 janvier), à l’émission « Dèyè Kay » diffusée sur Télé 20, qu’il a fait l’exposé de sa vision pour Haïti présentée comme la « troisième voie », à côté de Lavalas, qu’il associe à la « violence », et de Tèt Kale, qu’il assimile à la « gabegie ».

Pour prendre le train de cette troisième voie, M. Boulos conseille à Jovenel Moïse de renoncer au reste de son mandat et de se rendre disponible pour présider un gouvernement intérimaire de trois ans au cours duquel seront commises en places de nouvelles structures qui sauront garantir la naissance d’un système politique moderne doté d’institutions capables de garantir son succès.

L’équipe Martelly a détourné USD 120 millions $

D’aucuns diraient que le point culminant de cette interview se- rait la dénonciation indirecte par le Dr Boulos accusant Michel Martelly et ses collaborateurs d’avoir utilisé le pouvoir pour «accumuler de l’argent ». Bien qu’il n’ait explicité cette affirmation de manière à dénoncer sans équivoque le chanteur du compas direct, il ne laisse aucun doute quant au pillage qu’a organisé Martelly et ses anciens proches collaborateurs au détriment d’Haïti.

Pour dénoncer le vol orchestré contre le Trésor du pays par Michel Martelly, Réginald Boulos prend à témoin l’ex-ambassadeur des États-Unis en Haïti Pamela White. Aussi a-t-il révélé, dans cette interview, cette révélation que lui a faite la diplomate :

«Pamela White m’a dit qu’il y a eu une accumulation de 120 millions $ par les hommes qui étaient au pouvoir ».

Peut-on dire, à suivre les propos de Boulos, qui s’était révélés, sinon un allié politique de Martelly, du moins le roi dont il fut le courtisan, qu’il serait en train de décharger sa bile ? En tout cas, venues de lui, ces paroles valent leur pesant d’or :

« La majorité silencieuse ne peut pas aller dans le vote du compas. Elle doit aller dans le vote d’une offre réelle de changement et de modernité ». Boulos continue dans la foulée en disant : « Aujourd’hui n’importe qui peut se porter candidat, mais quand il a un track record, on doit analyser son track record ».

Par ces paroles, Réginald Boulos semble être en mode de jeter la pierre à certains hommes d’affaires qui souhaitent le retour au pouvoir de Michel Martelly. Dans cette optique, il évoque l’intervention, lors  d’un  bal, le 1er janvier, de l’ex-premier ministre Jack Guy Lafontant, annonçant son engagement pour que cet ancien président, qui se trouvait à côté de lui, retourne au pouvoir. À ce moment, Lafontant, qui a été éjecté du pouvoir par le peuple, dans la foulée des émeutes des 6, 7 et 8 juillet 2019, pour sa piètre performance, en tant que premier ministre de Jovenel Moïse, semble afficher le désir d’être « rappelé aux affaires » par Martelly. Sans doute il rêve déjà, une fois retourné, d’y rester longtemps, très longtemps. D’ailleurs, n’a-t-il pas, lors de cette intervention, exprimé le vœu que Tèt Kale garde le pouvoir pour « 20 à 50 ans » ?

Des passagers déjà embarqués dans le train de Martelly ?

Si Réginald Boulos avait une certaine affinité avec Michel Martelly, qui l’avait incité à s’identifier à sa politique, comme, par exemple, surtout au moment d’organiser des élections ou de choisir Evans Paul (K-Plim) comme premier ministre, on pourrait croire qu’il s’est produit un revirement chez lui. On ne sait vraiment à quoi attribuer ce changement d’attitude. Mais d’ores et déjà il s’en prend à tous ceux qui, après avoir entendu Jacques  Guy Lafontant, pensent qu’il est temps de s’afficher en partisans de l’ex-président. C’est pourquoi il a répété, dans cette même interview : « Des hommes du secteur privé, qui s’imaginaient que Martelly n’était pas possible en 2022, sont subitement disposés à monter dans le char ». Pour Réginald Boulos, cette façon d’aborder le problème démontre qu’il n’existe pas une élite en Haïti. Selon lui, une élite n’aurait jamais agi ainsi. « Une élite n’aurait pas analysé comme ça. Une élite aurait regardé la réalité du pays, l’absence de changement structurel, le fait que les grands dossiers ne soient pas pris en charge ».

Boulos critique sévèrement la politique de solution d’attente

Le Dr Boulos, s’en prend à ce qu’il décrit comme étant la politique de solution d’attente trop souvent mise en application par des dirigeants incapables d’apporter des solutions immédiates, opportunes et permanentes aux problèmes. Il ne voit rien de bon dans l’investissement d’un million de gourdes, ici et là, dans les quartiers défavorisés de la capitale et des villes de province, dans l’optique de création d’emplois. Il semble vouloir dire que les investissements effectués dans les secteurs à haute intensité de main-d’œuvre sont des initiatives sans lendemain. Selon lui, ces injections d’argent dans de telles conditions, c’est-à-dire dans le but de susciter l’apaisement social, ne donneront aucun résultat positif.

Réginald Boulos souligne, encore plus loin, dans son interview : «Nous sommes un pays malade. Le sérum est le transfert de la diaspora. Vous pouvez garder le malade au lit, dans le coma, pendant presque trois ans encore, sans décès ».

Aucun changement sans action d’éclat

Boulos se croit autorisé à critiquer l’amour du plaisir chez les Haïtiens. C’est pourquoi il exhorte ses compatriotes à arrêter de danser et à commencer à prendre leurs responsabilités au sérieux. C’est pourquoi, dit-il, «Nous aimons danser le carnaval». Aussi rappelle-t-il ce qu’avait dit « Bourik Chaje », l’ex-ambassadeur américain Alvin Adams :

«Apre dans, tanbou lou».

Et Réginald Boulos d’ajouter :

«Il faut attendre après le carnaval. Je ne vois pas comment un pays pourra continuer à être géré sans changement structurel et sans action d’éclat ».

Action d’éclat = La troisième voie L’action d’éclat préconisé par Boulos se résume en un gouvernement intérimaire pour une durée de trois ans, avec Jovenel Moïse comme président, ainsi que le Parlement qui doit rester en place durant cette même période. Il suggère, par contre, que celui-ci satisfasse deux conditions : Renoncer à son droit d’amender la Constitution et qu’il soit privé du droit de renvoyer le gouvernement.

Boulos juge opportun d’ajouter les points suivants : Durant cette transition, seront mises en place l’Assemblée constituante, la Conférence nationale, en même temps que seront organisées les élections générales dans trois ans.

Boulos pense que le Parlement constitue le plus gros problème du pays. Doté, dit-il, de grands pouvoirs et de privilèges exceptionnels par le Parlement de 1987, amendé, il ne voudra jamais y renoncer. Selon lui, les parlementaires en fonction ne ratifieront jamais les amendements proposés par la Commission Tardieu.

Le programme de la troisième voie

Si les pouvoirs lui étaient donnés, Réginald Boulos aurait accouché d’un Haïti idéal, celui dont rêvent ses filles et fils patriotes. Aussi étale-t-il dans cette interview, le programme de la troisième voie qu’il prône.

En effet, il fait son exposé comme suit. « La troisième voie est une nouvelle vision faite de modernité, de transparence, de lutte contre l’impunité, de lutte contre la corruption, de la tenue du procès PetroCaribe, de la mise en place des services sociaux, de la création massive d’emplois, de la promotion des PME, de la pro- motion de l’entrepreneuriat ‘noir’. Parce que nous sommes un pays à 90 % de ‘ Noirs’, nous ne pouvons pas avoir aujourd’hui un secteur privé clair ».

Afin que nul ne prétexte cette intervention mal comprise, le Dr Boulos se fait redondant, s’ingéniant à renforcer les idées exprimées concernant la dichotomie gens noirs et gens clairs, Noirs et Mulâtres. Continuant dans cette explication, Réginald Boulos avance qu’il est de peau claire, il doit pouvoir exprimer ainsi sa pensée. Car on ne peut lui imputer la responsabilité d’avoir été créé, homme à peau claire.

Le Dr Boulos n’a pas raté l’occasion de dissiper des présomptions le concernant, que certaines gens entretiennent dans leur esprit, à savoir ses velléités présidentielles. Il déclare, apparemment sans ambages, qu’il n’est pas candidat à la présidence. Il précise en même temps qu’il est sincère et invite tout un chacun à le juger par ses « actions futures ». Nonobstant toutes ces précautions qu’il a prises, des observateurs pensent qu’il y a un candidat à la présidence qui sommeille tranquillement en Réginald Boulos.

Mais il faut admettre que cette proposition de Boulos risque de déclencher un réflexe de rejet de la part de la grande majorité des citoyens, ceux qui descendent dans la rue pour protester la mauvaise gouvernance de M. Moïse et sa tolérance des voleurs des USD 3,8 milliards du fonds Petro-Caribe. Et en tout état de cause, on ne peut s’expliquer pourquoi l’homme d’affaires se croit autorisé à préconiser une telle solution pour le pays quand il a eu lui-même à suggérer à M. Moïse de démissionner, face à la montée de la vague oppositionnelle. Dans ce cas, il apporterait de l’eau au moulin de ceux qui se méfient de ses conseils.

L.J.


cet article est publié par l’Hebdomadaire Haïti-Observateur édition du 16 janvier 2019, et se trouve en P. 1, 2 à : http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2019/01/H-O-16-jan-2019.pdf

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